Entretien avec les habitant·e·s du « 53 » à Forcalquier (04)
« Même si on n’a pas eu le temps de construire le collectif en profondeur et dans la durée, c’était assez évident de se lancer dans cette aventure parce que tout le monde avait fait le cheminement personnel. (…). On était au départ un collectif immature de personnes matures ! »
Le 53
Le groupe : collectif intergénérationnel de 7 foyers de 1 à 71 ans : 3 couples avec enfants, 3 femmes seniors et une famille monoparentale
Commune et territoire : Forcalquier (Alpes-de-Haute-Provence) – territoire rural
Type d’habitat : 3 logements aménagés dans l’existant (construit en 2016), 4 logements neufs (habitat intermédiaire)
Espaces partagés : salle commune et chambre d’amis (en chantier !), buanderie, atelier vélo, atelier bricolage, jardin, piscine, 2 caravanes
Date de début du projet : janvier 2022
Achat du foncier terrain : juillet 2022
Date d’entrée dans les murs : première phase été 2022, deuxième phase été 2024. Collectif complet depuis octobre 2024
Statut juridique : SCIA
Montage : autopromotion et auto-construction partielle
Maitrise d’oeuvre : Sylvie Detot
Le « 53 » est un habitat participatif situé à Forcalquier dans les Alpes de Haute-Provence. Monté en un temps record d’un peu moins de 6 mois pour un habitat participatif (entre le début de l’initiative et l’installation sur site pour les premiers foyers), ce lieu de vie, en autopromotion en SCIA, accueille aujourd’hui un collectif intergénérationnel de 7 foyers. Au fil des jours et des chantiers participatifs, les habitant·e·s (couples trentenaires avec enfants, famille monoparentale et retraitées) expérimentent au quotidien le vivre ensemble en milieu rural.
Un habitat monté en 6 mois … et une installation à plusieurs vitesses
Pas de jeu de mots pour ce lieu de vie que le collectif a choisi de nommer le « 53 », numéro du chemin des Chambarels à Forcalquier où se situe le projet. Fin 2021, 5 foyers qui faisaient partie du projet Cooplicot - projet empêché et bloqué par la municipalité élue en 2020 - se rassemblent pour imaginer un nouveau projet d’habitat.
Début 2022, ils se lancent dans la recherche d’un foncier et saisissent l’opportunité d’un terrain de 5000m² à vendre sur le Chemin des Chambarels à quelques mètres du terrain qui devait accueillir les logements de Cooplicot... Une chance ! Quelques semaines après, ils sont rejoints par Pierre-Charles et Yessi, un couple ayant été aussi impliqué dans une démarche d’habitat participatif avortée sur Marseille.
« En arrivant dans le groupe, j’ai rencontré des gens qui avaient un fonctionnement du collectif assez mature et fluide, lié au fait que plusieurs d’entre nous avaient déjà eu des expériences de collectifs. Même si on n’a pas eu le temps de construire le collectif en profondeur et dans la durée, c’était assez évident de se lancer dans cette aventure parce que tout le monde avait fait le cheminement personnel. (…). On était au départ un collectif immature de personnes matures ! » Pierre-Charles Marais, habitant du 53.
Une fois le terrain en vue, tout va très vite : le groupe fait le choix d’un montage en autopromotion en SCIA pour acheter le terrain et porter la construction, sécurise les plans de financements des différents foyers, se lance dans la définition de son programme immobilier avec la maîtrise d’œuvre portée par Sylvie Detot, et travaille à la mise en place de sa gouvernance partagée.
Le 1er juillet 2022, le collectif signe l’achat du terrain et 3 foyers s’installent sur site au sein de deux bâtis déjà existants : une bâtisse récente (construite en 2016) séparée en deux logements qui accueille d’un côté Geoffroy et Emilie et leurs deux filles et de l’autre, Jeanne, la doyenne du groupe et une petite maison en bois de 50m² accueille Pierre-Charles et Yessi, puis leurs fils Léni né en 2023.
À l’été 2024, quatre nouveaux logements écologiques et bioclimatiques sont construits et les derniers foyers s’y installent. En octobre 2024, Olivia et ses deux garçons rejoignent le groupe pour occuper le logement en locatif prévu dès le départ dans le projet. Ce logement est financé par des investisseurs privés qui l’ont conventionné logement social et l’ont proposé, via le CCAS, à une famille monoparentale.
Un collectif intergénérationnel avec une majorité de femmes
Le collectif au complet est construit autour d’un groupe de 12 adultes et 7 enfants : Pierre-Charles et Yessi et leur fils Léni, Geoffroy et Emilie et leurs enfants Kléoniki (7 ans) et Irène (3 ans), Lucas et Léa et leur enfants Max (6 ans) et Mona (2 ans), Sandrine, une sexagénaire traductrice, Isabelle sexagénaire retraitée, Jeanne septuagénaire retraitée, toutes trois engagées et militantes par ailleurs ; Philippe et Catherine, les investisseurs du logement locatif, retraités qui se prennent au jeu et finissent sur les chantiers participatifs ; et enfin Olivia qui rejoint le groupe en octobre avec ses deux garçons, Paul (6 ans) et Gabriel (12 ans). Le groupe compte 7 femmes et 3 hommes.
« Je trouve que Jeanne, Isabelle et Sandrine, qui sont les 3 femmes les plus âgées dans le groupe, représentent des modèles de femmes qui sont fortes, indépendantes et pour qui le fait de vivre seules est assumé » Léa, habitante du 53.
Au « 53 », les habitant·e·s reconnaissent les liens qui se sont créés via l’habitat. Ces liens sont porteurs mais aussi fragiles comme dans de nombreux lieux de vie : « Le fait d’être dans un habitat participatif, ça créée des liens d’attachement à des personnes que l’on n’aurait peut-être pas rencontrées par ailleurs. C’est beau de pouvoir être là, les un·e·s pour les autres, dans des petits moments de vie difficiles. Si ça avait été mes simples voisin·e·s, ça ne se passerait pas forcément comme ça », Léa, habitante du 53.
Comme dans de nombreux collectifs, le sujet du différentiel d’implication et d’engagement est présent au 53 : « Même si on est tous là, sur les chantiers, Pierre-Charles porte beaucoup et on a dû mal à ce que d’autres prennent du leadership sur des tâches. On se le dit et on a du boulot là-dessus pour ne pas que l’engagement porte que sur certaines personnes », Sandrine, habitante.
« Il y a aussi des moments où je sens que l’on a encore du boulot sur nos manières de communiquer. Même si on a tout·e·s une culture de la gouvernance partagée, ça demande sans cesse de pouvoir poser des choses qui n’ont pas été confortables pour certain·e·s pour réajuster, mais on le fait autant que possible », Léa, habitante.
Les chantiers participatifs, des temps structurants pour le groupe
Entre juillet 2022 et juillet 2024, l’ensemble du collectif (y compris ceux qui n’y habitent pas encore) se retrouve régulièrement sur le terrain pour mener des chantiers collectifs de façon progressive : d’abord la réparation d’un atelier qui demandait à être reconstruit, la construction d’un local vélo en bois puis les finitions des 4 logements neufs (sols, peintures, terrasses, cuisines).
Ces chantiers rythment donc la vie du groupe depuis 2 ans et ont constitué autant de moments pour cimenter et structurer le collectif, pour que chacune monte en compétence, et que la convivialité opère même s’ils recouvrent également leurs lots de galère, de frottements d’organisation et d’équilibrage dans l’implication de chacun·e.
« J’étais hyper émue de voir tout le monde chez nous, à nous aider à poser le parquet. À la fin, on était fièr·e·s et satisfait·e·s de l’avoir fait nous-même ».
« Sur le carrelage, c’est Yessi et Émilie qui ont décidé de se former pour pouvoir être en capacité de maitriser la pose. Je trouve ça super que ça soit elles qui s’y soient engagées aussi, en tant que femmes », Léa, habitante du 53.
« Le chantier nous a permis de ne pas rester dans des projections théoriques de notre fonctionnement mais plutôt sur des dynamiques de fonctionnement exigeantes et concrètes : qui s’occupe des enfants, qui fait la cuisine, qui achète les matériaux, etc. ». « Les chantiers ça a quelque chose de génial qui demande de fait de la coopération, d’être en lien. Ça offre aussi des espaces de discussion interpersonnelle assez privilégiés que tu n’as pas en réunion », Pierre-Charles, habitant du 53.
« J’ai trouvé que les chantiers étaient des moments très forts pour le groupe, car ils étaient bien organisés, avec des objectifs clairs et que ça soude vraiment le groupe. »
« Il y a la salle commune qui va être un sacré challenge mais si on y arrive, je crois que ça soudera vraiment le groupe ! », Sandrine, habitante.
Pour l'instant les chantiers ont lieu un weekend sur deux. Pour la salle commune, le groupe va inaugurer des chantiers participatifs ouverts, à partir des vacances de printemps. L'invitation est lancée !
Informations utiles
Contact : contact@habitatparticipatif-france.fr