« L’accueil solidaire fait très souvent partie de l’ADN des habitats participatifs »

28.07.2023

Anagram, habitat participatif de 21 habitantes et habitants (dont 4 enfants), a été fondé en 1990, sur le terrain d’une ancienne ferme à Villeneuve-d’Ascq, dans la banlieue de Lille. Le groupe fêtera ses 33 ans d’existence et de vie commune le 9 septembre prochain. L’occasion d’un entretien sur la solidarité qui s’y exerce depuis le début, notamment par l’accueil solidaire de personnes exilées ou victimes de violences conjugales.

Pour Marie-Cécile, habitante d’Anagram depuis 1990 « c’est dans l’ADN de l’habitat participatif de pratiquer l’accueil solidaire », « tout simplement parce que l’habitat s’y prête et que les locaux communs facilitent l’accueil. C’est bien plus facile d’accueillir dans des locaux communs que chez soi. Et puis on n’est pas tout seul à accueillir, on est tout un groupe. »

image Visuel_Anagram.jpg (3.2MB)

Entretien avec Marie-Cécile, habitante d’Anagram, à Villeneuve-d’Ascq, habitat participatif qui pratique l’accueil solidaire depuis les années 1990

Anagram : 33 ans d’accueil dans la maison commune


À Anagram, la longue série d’accueils solidaires a débuté dès les années 1990, au moment de la guerre en ex-Yougoslavie. « Plusieurs d’entre nous faisions partie d’une association qui se mobilisait en soutien aux populations civiles. Nous avons accueilli pour la première fois en 1992 une femme d’ex-Yougoslavie et ses deux enfants au sein de notre maison commune. Ils sont restés parmi nous 18 mois. Les enfants avaient l’âge des nôtres. Nous sommes toujours en lien avec eux aujourd’hui. »

Depuis lors, le groupe d’habitants ouvre fréquemment les portes de sa maison commune. Associations du coin, collectifs ou groupes d’habitants peuvent s’y réunir pour un après-midi ou une soirée. Le groupe accueille par ailleurs fréquemment des personnes exilées (en coordination avec l’association RAIL - Réseau d’Accueil d’Immigrés à Lille) et pratique des « accueils d’urgence », le plus souvent de femmes seules victimes de violences conjugales (en coordination avec le CCAS de Villeneuve-d’Ascq).

« Tous les ans pendant l’hiver, ou parfois pendant l’été s’il y a une grosse urgence, on accueille une personne exilée sans solution d’hébergement via l’association RAIL. C’est cadré, cela dure un mois maximum et on est accompagnés dans la démarche. »

« Nous pouvons aussi accueillir des amis d’amis, des personnes de notre réseau en difficultés temporaires. Mais dès que nous faisons des accueils solidaires de personnes plus vulnérables, nous passons par une structure qui sait faire. On considère que nous ne sommes pas des spécialistes de l’accueil d’urgence. »

Accueillir collectivement, au rythme du groupe


Pour les habitants d’Anagram, l’accueil solidaire est proposé comme une halte pour les personnes qui ont besoin de se poser quelques temps. « Une des premières personnes que nous avons accueillies nous a vite dit que quand on est réfugié, on a besoin de se poser au calme, de souffler et pas forcément d’interagir tout le temps avec du monde. On laisse vraiment les gens choisir s’ils préfèrent participer ou pas à nos travaux partagés, nos repas et temps collectifs. »

L’accueil d’une nouvelle personne est discuté à chaque fois au sein du groupe. Les personnes sont logées dans la maison commune d’Anagram, ce qui modifie temporairement le fonctionnement du groupe : « la maison commune c’est vraiment le cœur de la vie en habitat participatif, donc çà a forcément un impact sur notre vie quotidienne. » L’accueil solidaire demande par ailleurs un vrai investissement de la part du groupe. Deux ou trois habitants sont alors désignés comme référents, pour le suivi, les démarches administratives ou autres, même si au final « tout le monde met la main à la pâte, on se coordonne sur notre groupe Whatsapp pour accompagner la personne accueillie à tel ou tel endroit. »


Parfois, le groupe répond à des appels d’urgence : « Plusieurs fois on a eu des femmes qui partaient de chez elles à cause de violences conjugales, toujours en lien avec une association ou une structure locale spécialisée. Elles quittent leurs logements pour reconstruire leurs vies ailleurs, cela prend du temps, et on essaye de les accompagner du mieux qu’on peut. »

« Beaucoup d’accueil nous tombent dessus un peu comme ça. Il y a énormément de demandes et de besoins. On nous demande et on dit oui ou non. On souhaite vraiment accueillir en cas d’urgence, au cas par cas. On considère qu’on n’est pas là pour ça, que ce n’est pas notre rôle en tant qu’habitat participatif, mais on accueille du mieux qu’on peut en fonction de nos possibilités. »

Chez les voisins d’Anagram, l’accueil solidaire aussi, mais sous d’autres formes


Au sein d’autres habitats participatifs du coin, l’accueil, la solidarité et l’inclusivité sont bien présents aussi mais s’exercent de manière un peu différente. « Aux Voisins du Quai à Lille, c’est plutôt un logement solidaire. Un appartement a été réservé pour une personne avec un handicap mental, en coordination avec une association. La personne est maintenant très intégrée dans le groupe et participe régulièrement aux activités collectives. »

« Aux ToitMoiNous, nos voisins à Villeneuve-d’Ascq, c’est pareil. Un appartement est dédié pour un jeune autiste. Sa mère s’est installée aux ToitMoiNous pour rendre son fils autonome. Elle a son propre appartement et son fils aussi. Ça a beaucoup fait évolué son fils et cela marche très bien ».

Coté accueil temporaire, les Voisins du Quai et les ToitMoiNous sont en lien avec Migraction, le collectif d’hébergeurs citoyens et solidaires du Nord et du Pas-de-Calais. Ils accueillent alors régulièrement, le temps d’un weekend une ou deux personnes exilées présentes sur les camps de Calais ou Grande-Synthe.

Pour Marie-Cécile, l’accueil solidaire, c’est surtout « s’ouvrir à l’extérieur pour nourrir l’intérieur. Comme souvent pour les habitats participatifs, Anagram est très ancré sur son territoire et dans des réseaux associatifs de solidarité et d’entraide ». La majorité des habitantes et habitants est engagée dans des associations : solidarité internationale, bibliothèque de quartiers, actions pour les personnes exilées. Récemment encore, le groupe a accueilli une femme ukrainienne et son fils. Après plusieurs mois au sein de l’habitat participatif, ils ont pu s’installer dans un appartement non loin et continuent à venir des dimanches pour les ateliers jardinages à Anagram ou pour des repas collectifs et fêtes.


image Bandeaux_Fil_des_communs_gnral.png (0.1MB)
Ce texte a été publié dans le "Fil des communs", newsletter d'Habitat Participatif France, dédiée aux habitant.e.s et futur.e.s habitant.e.s en habitat participatif. L'intégralité des articles publiés est disponible ici.
Pour recevoir le "Fil des communs" tous les trimestres, c'est par ici.

Informations utiles

Contact : contact@habitatparticipatif-france.fr